Patients et données de santé : usages et perspectives - Fédération Française des Diabétiques

Le recueil des données de santé (glycémies et traitements), initialement analogique et non structuré puis devenu numérique, a toujours occupé une place importante dans le quotidien des personnes diabétiques. Cela fait longtemps qu’elles ont pris l’habitude de s’appuyer sur l’enregistrement et l’analyse de leurs données biologiques recueillies par les glucomètres pour mesurer leurs glycémies quotidiennes, voire multi quotidiennes, afin de surveiller leur équilibre glycémique, ou d’adapter leur traitement et en particulier les doses d’insuline. 

Déjà un certain nombre de glucomètres « capillaires » sont devenus « connectés » lorsque couplés à des applications digitales qui permettaient de guider la surveillance et adapter la thérapeutique. 

Cette pratique a évolué avec l’arrivée des capteurs de glucose en continu, numériques et connectés, qui permettent de recueillir et de transmettre les données à des serveurs via des applications mobiles, voire même de les transmettre directement à des dispositifs médicaux (pompes) qui administrent l’insuline de manière semi-automatique (pompes classiques ou dites en boucle fermée hybride) 

Ces innombrables données représentent certes une richesse collective pour l’évaluation des technologies médicales ou la recherche, mais elles ont aussi et avant tout un intérêt individuel immense pour personnaliser le traitement de toutes les personnes diabétiques.

L’avènement de la télémédecine permet d’enrichir cet usage dans d’autres voies. 

De ce fait, le numérique en santé est un sujet majeur de réflexion pour la Fédération Française des Diabétiques dont l’une des missions est de contribuer à l’amélioration des prises en charge et à l’accompagnement des patients. 

Cette volonté a mené le président de l’époque Gérard Raymond à créer Le « Diabète-LAB ». Il s’agit d’une structure d’études et de recherches dont la mission est de concevoir et de réaliser des études sur la vie quotidienne des personnes atteintes de diabète et leur expérience en tant que patients.

Le Diabète-LAB mène depuis plus de six années de nombreuses d’études au rythme d’une quinzaine par an :

  • soit qualitatives sous forme d’entretiens individuels ou de focus groupe ;
  • soit quantitatives par questionnaires administrés par internet à partir d’une base de plus de 40 000 adresses mail dont près de 6000 diabètes-acteurs (personnes volontaires pour participer régulièrement à ces études) ;
  • ces études se sont même étendues au Système National des Données de Santé avec l’appui méthodologique du Health Date Hub (HDH) ainsi que de la société de recherche clinique Sanoia, qui permet d’avoir une vision exhaustive des pratiques à partir des bases médico-administratives de l’Assurance Maladie et de l’Hospitalisation (PMSI).

L’analyse de toutes ces données qui peuvent être médicales, comportementales, sociales, voire économiques (consommation de soins) permettent d’apprécier l’usage que font les personnes diabétiques des différentes thérapeutiques médicamenteuses ou non médicamenteuses, des dispositifs médicaux et des parcours de soins.

Schématiquement l’usage des données  numériques de santé peut être classifié en cinq objectifs :

  1. AUTONOMISATION - C’est d’abord l’utilisation par le patient et pour lui-même. Les outils permettent de gérer la maladie au quotidien de manière bien plus optimale et plus autonome que par le passé.
  2. COORDINATION, SUIVI PAR L'ÉQUIPE DE SOINS - La transmission de ces données permet de communiquer avec le médecin ou son équipe grâce à un grand nombre d'informations recueillies et envoyées par ces outils numériques via les différentes applications ou hébergeurs.
  3. ACCÈS AUX SOINS - Les nouvelles technologies permettent au patient d’être suivi à distance dans le cadre, par exemple, de programmes de télésurveillance ou d’avoir recours à une expertise non disponible en proximité par la téléconsultation ou la téléexpertise.
  4. EVALUATION DES TRAITEMENTS DES PARCOURS ET DES POLITIQUES DE SANTÉ - Le numérique peut permettre aux patients de participer avec l’aide de structures, via la transmission et le recueil de leurs données, à l’évaluation des traitements ou des modes de prise en charge en vie réelle. Cette évaluation aussi bien des technologies (dispositifs ou médicaments), que des politiques de santé (parcours – recommandations..) représente une aide indispensable pour choisir les meilleures stratégies en termes de qualité, sécurité et d’efficience. C’est d’ailleurs l’objet des expérimentations type article 51.
  5. RECHERCHE - La masse de données générées par les patients peut alimenter de gigantesques bases de données en vie réelle qui permettront d’enrichir la recherche. Il est ainsi nécessaire de contribuer à ce recueil afin d'assurer notre souveraineté numérique en santé, en enrichissant, par exemple, le catalogue des entrepôts de données du HDH.

Mais ces perspectives passionnantes se heurtent à deux freins majeurs :

  • D’abord, celui de l’absolue nécessité d’établir un consensus ou un référentiel d’interopérabilité sémantique. Ces données doivent être non seulement structurées pour être intelligibles, mais aussi compatibles entre elles pour être utilisées, colligées et adaptées aux outils de suivi. Les exemples de la télésurveillance et des pompes à insuline mises en évidence dans des études du Diabète-LAB sont très éclairants sur cette difficulté. 
  • Ensuite, cette évolution se heurte à une fracture numérique qui n’est pas toujours liée à l’âge. Ce sont, naturellement, les patients les plus jeunes qui sont les plus à l’aise avec le numérique en santé. Mais les choses ont évolué ces dernières années. Aujourd’hui, les patients de plus de 60 ans n’ont pas, ou peu, de problèmes pour utiliser les outils numériques qu’ils ont appris à manier durant leur vie professionnelle. Le problème réside surtout pour certains patients âgés de plus de 80 ans. Mais outre les considérations liées à l’âge, la véritable fracture se joue au niveau social. Toutes les études montrent que les personnes les plus défavorisées socialement sont aussi celles qui sont les plus éloignées du soin et du numérique en santé. Il y a donc là un vrai défi à relever pour l’avenir. C’est celui de l’apprentissage de l’e-littéracie en santé : un problème social de promotion de la santé qui doit dès lors être appréhendé depuis le plus jeune âge.

Ainsi pour mieux s’approprier cette réalité, la Fédération a entrepris une étude nationale pour connaître le profil des personnes diabétiques qui, en 2021, ont eu recours à la télémédecine et à la téléconsultation, et donc en creux, identifier celles ou ceux qui n’y ont pas eu recours. Cela permettra de concevoir des programmes de formation des professionnels et des patients adaptés aux besoins de cette population.

Le recueil des données des patients, qui appartiennent aux patients d’abord, constitue une vraie richesse collective, à condition que les patients aient accès à ces données et que les associations puissent être réellement parties prenantes de ces études. 

Au-delà de l’évaluation en vie réelle des technologies de santé, cela permettra d’aller plus loin et de participer à l’évaluation non seulement des parcours, voire des financements, mais surtout des politiques de santé de notre pays. 

Lorsque tout cela sera en place, alors nous aurons fait un pas de plus vers la démocratie en santé.

 

Jean-François THEBAUT, Nicolas NADITCH, Manon SOGGIU

Fédération Française des Diabétiques

Comment aimeriez-vous être impliqués dans la réutilisation des données sur la santé ? 

Donnez votre avis!